La Momie Aztèque contre le Robot Humain 1


Dans une volonté de franchiser ses films les plus populaires, le cinéma de genre a largement épuisé le concept des suites tout en investissant dans ce que l’on nomme aujourd’hui le cross-over. La science-fiction mexicaine, dont il est question dans ce dossier, n’est pas exempt de cette tendance. La preuve avec ce film qui mêle aventure, fantastique et science-fiction.

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Oh Momie, Oh Momie, Momie Blues !

Dans le top intercontinental des titres les plus aguicheusement ridicules de l’histoire du cinéma, La Momie Aztèque contre le robot humain (Rafael Portillo, 1958) a fière allure. Dans le classement des films honnêtes avec leur public, il ne serait pas mal placé également. Car bien heureusement, le film n’est pas une énième promesse vaine, comme beaucoup d’autres films de genre de l’époque dont les titres vendaient du rêve en boîte pour n’offrir au final que de timides distractions. Il faut dire qu’on a de quoi être méfiant avec les films bis et leurs titres sur-vendeurs, surtout quand on a frétillé de plaisir, comme moi, à la découverte de la jaquette du DVD de Une vierge chez les morts vivants de Jesus Franco dans lequel il n’y a ni vierge, ni morts-vivants… Dans ce film de Rafael Portillo – un illustre faiseur mexicain dont la filmographie fait se côtoyer pas mal de momies, de dinosaures et de loups-garous – il y a bel et bien une momie aztèque, et il y a aussi un robot humain. C’est déjà ça.

afficheLa Momie Aztèque est en fait – comme, d’une certaine façon, le lutteur Santo, dont on vous parlera plus tard – l’une des figures de proue du cinéma de genre mexicain. Le film dont il est question dans cet article est en fait le troisième volet d’une trilogie commencée avec La Momie Aztèque (Rafael Portillo, 1956), puis continuée avec La malédiction de la Momie Aztèque (Rafael Portillo, 1957). Ce troisième volet embarque donc cette saga du film d’aventures fantastique matinée de film de monstres – ersatz sud-américain des monstres nord-américains de chez Universal, réalisés au même moment – vers le cinéma de science-fiction, déjà largement investi par le cinéma populaire mexicain depuis dix bonnes années. Le film raconte comment un savant fou, le docteur Krupp, bien décidé à récupérer le trésor que protège une momie aztèque ancestrale, va construire un robot humain capable d’éradiquer le monstre. Le film joue donc clairement sur divers tableaux. Le film d’aventures est reconnaissable, avec ses temples antiques en carton, ses momies déchaînées et ses chercheurs de trésors. L’horreur classique s’invite à travers le docteur Krupp qui n’est autre qu’une déclinaison mexicaine du docteur Frankenstein, souhaitant recréer la vie et dominer le monde, non pas à partir d’un mec constitué de bouts de cadavres, mais avec un robot… humain. Entendez, un humain dans un robot. Ou plutôt, un acteur ridicule, dans un costume ridicule. Ce docteur Krupp est par ailleurs l’une des principales attractions du film. Grotesque personnage aux traits de caractère allégrement surlignés, il est aussi largement surjoué par un acteur en roue libre : Luis Aceves Castaneda, qui doit probablement être le sosie officiel mexicain d’Orson Welles.

Des cinq films de la sélection présentée au Festival International du Film d’Amiens, La Momie Aztèque contre le robot humain est sans nul doute le plus abordable, le plus distrayant, et celui qui m’apparaît le plus idéal pour aborder sereinement un premier contact avec le cinéma de genre mexicain et se familiariser avec ses codes. On y retrouve notamment cette manière si particulière – déjà quelque peu présente dans le cinéma de genre américain de l’époque – d’étirer un scénario en se basant sur des retournements de situations et explications totalement tirés par les cheveux. Ce que révèlent ces films, c’est que les enquêteurs et scientifiques mexicains sont probablement les plus talentueux du monde. Dans La Momie Aztèque contre le robot humain, par exemple, alors que la femme du héros, qui connaît le secret de la planque de la momie a été hypnotisée par le Docteur Krupp – qui en plus d’être un scientifique fou, est aussi un sacré magicien doté d’immenses pouvoirs – pour qu’elle le mène jusqu’à la tombe de Popoca – il s’agit bien du nom de la momie, c’est ridicule je vous l’accorde – un scientifique est capable en quelques minutes et trois coups d’œil dans le microscope, de déchiffrer la provenance exacte de la terre trouvée sous les chaussons de la bonne femme :

« – Bon dieu ! Des particules de marbre dans la terre ! Je suis formel !

– Du marbre ? Mais, où trouve-t-on du marbre ?

– Dans un cimetière, pardi !

– Bravo Chicanos, c’est là que la momie doit se trouver ! »

Ou l’art de se sortir d’un cul-de-sac scénaristique avec grand talent, ou foutage de gueule absolu, au choix.

ucBi--uhguVejqUmtt3b_hljcMcIl serait fort incorrect de tirer à boulets rouges sur ces petits films, totalement fauchés pour la plupart, qui n’avaient à leur époque aucune vocation à faire du grand cinéma ou a révolutionner les formes. Leur authenticité réside davantage dans leur manière décomplexée d’aborder les genres et de s’amuser avec leurs codes – en singeant le cinéma américain – pour satisfaire un public en quête de divertissement. Les films sont en effet réalisés dans un contexte politique particulier, le pays étant embaumé dans une dictature totalitaire, au sein du contexte international de la Guerre Froide, et accompagné de son lot d’angoisses – la menace nucléaire en tête – qui marquera le cinéma de cette époque, et principalement le cinéma de science-fiction. Tout en participant à délivrer ses sous-messages politiques, le cinéma de genre mexicain parvient à se distinguer de celui d’Hollywood en insufflant une bonne grosse dose de comédie et d’autodérision, bien conscient qu’il singe le cinéma américain avec malice, autant d’éléments qui en font sûrement l’un des premiers genres parodiques de l’histoire du cinéma.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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