American Nightmare 2


Enième film « par les producteurs de Paranormal Activity et Sinister », American Nightmare mélange le film d’anticipation et le home invasion pour un pitch très peu probable et qui délivre un message que l’on ne sait jamais comment interpréter…

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Le cinéma d’horreur américain aime bien récupérer des noms provenant de la télévision, ce qui est toujours vu d’un mauvais œil. Pourtant, James DeMonaco, scénariste et producteur de l’excellente mini-série Kill Point en 2007, avait fait une entrée discrète mais prometteuse dans le monde de la réalisation avec Little New York en 2009, comédie dramatique mettant en scène trois personnages (dont un interprété par Ethan Hawke) dont l’existence tourne autour du crime organisé à Staten Island. Pas un grand film, mais DeMonaco réussit entre autres à nous communiquer son amour pour New York à travers sa mise en scène de la Grande Pomme, et démontre un certain talent pour la caméra, en plus de l’écriture. Et puis, lorsqu’on apprend qu’il réalise un film d’horreur pour Blumhouse Productions, on ne sait pas trop quoi dire : ce nom inconnu du grand public a quand même ses chances, surtout lorsque l’on voit les excellents résultats de cinéastes comme James Wan (Insidious), Barry Levinson (The Bay) et Rob Zombie (The Lords of Salem), pour ce studio qui, il faut le dire, a fait fortune en produisant bien de la merde. Wait and see, comme on dit.

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En 2022, le taux de criminalité aux Etats-Unis est au plus bas : 1%. Pour le maintenir, le gouvernement a mis en place la Purge, une période annuelle de douze heures durant laquelle le crime est légal pour tout citoyen américain. Pillage, viol, meurtre, tout est permis, sans que jamais les services médicaux ou policiers n’interviennent. James Sandin, développeur de systèmes de sécurité à domicile, vit dans une grande maison avec sa femme Mary et ses deux enfants Zoey et Charlie, dans une banlieue huppée. Le soir de la Purge, barricadés dans cette forteresse en apparence inviolable, la famille Sandin va quand même se retrouver prise en otage par une bande de jeunes richards masqués…

American Nightmare revendique autant son côté SF que son côté thriller horrifique à la sauce home invasion, et pourtant, il ne relève pas le niveau de l’habituelle production Blumhouse à laquelle on réussissait pourtant à échapper cette année avec The Bay et The Lords of Salem qui n’avaient rien à voir avec les films dont Jason Blum nous assène depuis des années. A tel point que ce long métrage mérite bien son titre original, The Purge ; les québecois, fidèles à eux-mêmes, ont traduit La Purge, mais au moins, il n’y a pas d’erreur sur la marchandise. Ce film est un festival d’incohérences, d’actes inutiles, de personnages inconsistants et de situations improbables. On aurait pu comprendre une erreur de parcours de la part d’Ethan Hawke pour Sinister, mais là, il enfonce le clou ! Lui qui était l’un des grands représentants du cinéma indépendant, dont le nom restera éternellement lié à celui de Julie Delpy pour l’excellente trilogie de Richard Linklater, est en train de se Liam Neeson-iser, je dirais même plus, de se Nicolas Cage-iser en sombrant dans la nullité des films d’horreur au rabais des « producteurs de Paranormal Activity et Insidious » (oui, le second titre change selon l’affiche). Bref, revenons à nos moutons.

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Si James DeMonaco met en scène le film correctement, de façon propre sans trop de maîtrise non plus, le gros problème se situe au niveau du scénario, qu’il a écrit lui-même, en essayant de se faire le psychologue de son pays. Habituellement, dans le processus de production d’un film, tout part d’un scénario. Sauf que si celui-ci est pourri dès le départ, à quoi bon le garder et mener le projet à bien jusqu’à sa distribution dans TOUTES LES SALLES DU MONDE ? Il faut bien des gens qui croient en des projets inutiles, et Jason Blum nous prouve qu’il est l’un de ceux-là. L’idée de départ est assez intéressante en soi : une société futuriste dans laquelle le crime n’existe quasiment plus, sauf pour une nuit, où tous les actes criminels sont rendus possibles sans aucune répercussion juridique postérieure. Alors pourquoi James DeMonaco a eu l’idée imbécile de transposer cette idée aux USA et dans dix ans seulement ? Ces deux facteurs ont une fatale intervention dans la vision et l’interprétation de l’idée de départ : il est tout simplement impossible d’arriver à une telle situation dans dix ans, surtout si une nouvelle crise économique venait à nous frapper, comme il est expliqué au début du film. Mais admettons. Admettons que cela arrive. La Purge interdit formellement l’élimination des personnes puissantes (hommes politiques ou businessmen style Donald Trump ou Richard Branson), mais eux ont par contre le droit d’attaquer n’importe qui. Et à échelle plus petite, le film nous propose l’histoire d’une famille qui s’est enrichie sur le dos de ses voisins en leur proposant des systèmes de sécurité de haute fiabilité (mais j’y reviendrai plus tard), un quartier friqué dans lequel les habitants qui se purgent s’en prennent aux pauvres. Si DeMonaco avait réfléchi un peu avant de transposer son histoire dans le monde réel, 2022 ou pas, jamais une société ne pourra fonctionner si les « pauvres » (j’entends les classes les plus défavorisées) sont éliminés, car c’est principalement sur eux que la richesse d’une nation et d’une société telle qu’on l’envisagerait aujourd’hui se forme.

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En plus de cela, le message qui se cache derrière le film, probablement anti-américain au départ (ou du moins destiné à critiquer la société américaine), est tellement mal expliqué et mal mis en scène qu’il finit par être hypocrite et fallacieux. Les héros sont une famille américaine somme toute normale, symbole de l’Amérique ultra-sécuritaire qui a mûri dans l’après-11 septembre et la peur de la vulnérabilité. Ils semblent ne pas cautionner la violence, même si elle n’existe que douze heures dans l’année : le fils, Charlie, s’interroge tout le long du film sur le sens de la Purge, ce qui ne le rend pas moins con que le reste de sa famille pour autant. Et malgré tout, une bonne famille américaine doit quand même posséder une arme pour que le bon patriarche défende sa femme et ses enfants. La difficulté que James DeMonaco a dû rencontrer pendant le processus d’écriture, c’est un sentiment de frustration, non seulement par rapport à la société dans laquelle il vit, mais aussi par rapport aux moyens de l’exprimer sur le papier, mission qu’il n’a pas su remplir et dont il doit probablement être conscient ; ce manque de savoir communiquer est l’origine indéniable de tous les défauts du film, et des défauts, il en a.

Je passerai rapidement sur les innombrables incohérences que l’on peut trouver aux quatre coins du film, qu’il s’agisse de la famille qui attend le début de la Purge pour s’enfermer, d’un pays surarmé en matière de sécurité alors que le crime n’existe plus, des gens qui se baladent tranquillement dehors, du twist « j’ai-un-flingue-braqué-sur-toi-mais-comme-je-mets-une-seconde-de-trop-pour-me-décider-à-te-buter-je-me-fais-tirer-dans-la-tête-par-un-personnage-caché-derrière-moi » que l’on rencontre QUATRE FOIS (je vous jure), des caméras de surveillance externes qui doivent être au moins aussi nombreuses qu’au Pentagone alors qu’à l’intérieur, il n’y en a aucune, et, bien sûr, du gamin qui désactive le système de sécurité pour faire rentrer un inconnu dans la maison, que l’on voit déjà dans la bande-annonce et qui vend donc bien la débilité du film. Non, je passerai sur tout cela pour me concentrer sur les personnages, élément le moins développé de ces 85 minutes dénuées de toute logique. Ethan Hawke et Lena Headey, acteurs talentueux et tous les deux sous-exploités au cinéma ces dernières années, sont relégués au rang d’acteurs de série B dont les personnages, vides et inintéressants, ne provoquent aucune émotion (ni quelque autre réaction) chez le spectateur. Idem pour Max Burkholder et Adelaide Kane, qui jouent les deux enfants, ainsi que pour le gang masqué, dont les membres n’ont ni nom, ni visage. En fait, aucun personnage n’est creusé ne serait-ce qu’un minimum, et DeMonaco peut aussi bien tuer des membres anonymes du gang qu’il peut faire claquer Ethan Hawke d’un coup de couteau, on en a strictement rien à foutre tellement tout cela semble insignifiant. De même, le seul personnage qui semble avoir un peu de consistance est le leader du gang masqué, interprété par Rhys Wakefield et dont l’inspiration vient, on ne peut pas se tromper, de l’interprétation du Patrick Bateman de Bret Easton Ellis par Christian Bale. La tenue est sensiblement la même, l’attitude aussi, le dialogue complètement, et pourtant il semble irréel puisqu’il s’exprime durant tout le film à travers une caméra de surveillance et jamais n’interagit avec les autres personnages.

 

Exemple parfait du film dont toutes les idées sont sous-développées voire pas développées du tout, American Nightmare aurait pu, si ce scénario avait fini entre les mains de personnes compétentes (Alex Proyas, Andrew Niccol, Mark Romanek, voire même, on peut rêver, Abel Ferrara, Oliver Stone ou Brian DePalma), devenir un excellent pamphlet contre l’Amérique sécuritaire ou même tout simplement un bon film de home invasion. On n’en demandait pas plus.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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2 commentaires sur “American Nightmare