House of Last Things 1


Michael Bartlett a réalisé trois longs métrages en trente-cinq ans, ce qui est assez rare dans le paysage cinématographique mondial. Et ce cinéaste-là est loin d’avoir autant de talent que Terrence Malick (six longs en quarante ans), Stanley Kubrick (treize longs en quarante-six ans), Gillo Pontecorvo (cinq longs en vingt-deux ans), et j’en passe. Avec House of Last Things, le scénariste/réalisateur/producteur/monteur livre un tout petit film de série B qui se prend assez prétentieusement, il faut le dire, pour un film d’auteur.

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La maison du temps perdu

Arrivé dans la salle pour House of Last Things, j’ignorais tout du film que j’allais voir, si ce n’était le synopsis du catalogue – en quelques mots, un couple habitant une grande maison de Portland part en vacances en Italie, et laisse les clefs à Kelly, dont le job est de s’en occuper en leur absence. Tim et Jesse, qui sont respectivement le frère et le petit ami de Kelly, la rejoignent. Jesse, petite frappe, kidnappe un enfant dans un supermarché, mais après l’avoir ramené dans la grande maison, sa présence a un effet étrange sur ses occupants. Avant le début de la séance, la petite présentation habituelle, faite par le cinéaste lui-même, et qui précise que son directeur photo, Ken Kelsch, est présent dans la salle pour découvrir le film dans sa version définitive. Ken Kelsch, un nom qui a résonné comme une bénédiction dans mon esprit : pour ceux qui ne le connaîtraient pas, il s’agit du directeur photo de la grande majorité des films d’Abel Ferrara. De très grandes chances pour que ce premier film soit au moins bien filmé, donc.

Seulement, ce que j’ignorais encore à ce moment, et qui a continué à se confirmer au fur et à mesure de la compétition, c’est que House of Last Things allait remplir ce qui allait devenir par la suite une norme des films présentés cette année, et ce de manière houseoflastthings2générale. A savoir, des films avec plus ou moins de potentiel, et pas grand-chose à l’arrivée. Je vais commencer par le plus flagrant : House of Last Things dure « seulement » une heure cinquante, et je vous assure que regarder les versions longues des trois Seigneur des Anneaux à la suite paraît beaucoup moins long. L’histoire est assez mal introduite et présentée, et mon dieu que c’est chiant…

Si on voulait présenter ce film et son côté technique, dans l’absolu, il y a un peu de Shining et de Ne vous retournez pas. Ou plutôt : il était supposé y avoir un peu de ces deux films. La maison et l’enfant, qui sont les deux éléments apportant le fantastique dans le film, en sont une preuve irréfutable, si l’on doit en plus ajouter la ressemblance frappante, jusque dans le look et les fringues, entre Adam, le gamin de ce film-ci, et le jeune Danny. Et puis rien ne marche, finalement. Pas parce qu’il revendique ses références, non, c’est justement tout le contraire : il essaie de faire SON Shining, son chef-d’œuvre en mélangeant le film d’horreur et l’auteurisme, en remplaçant les jumelles, d’ascenseur ensanglanté et la chambre 237 par des ballons jaunes, des balles de golf et des pommes rouges. Faut pas déconner, il y a un fossé entre lui et le maître Kubrick. Et puis, si on veut faire un film aussi réussi que Shining, on évite de réutiliser des lieux et des personnages similaires. Pendant toute la durée du film – huit heures, donc, – je me demandais sans arrêt si c’était vraiment Ken Kelsch qui opérait en tant que directeur photo, parce que ce n’est pas foncièrement moche, mais provenant du mec qui a quand même filmé 4h44 : dernier jour sur Terre, The Addiction et New Rose Hotel, c’est franchement décevant. Et le montage n’arrange rien ! House of Last Things nous fournithouseoflastthings3 notre dose de fondus enchaînés pour le reste de l’année et de séquences montées un peu trop facilement, et surtout, un peu trop n’importe comment.

Ce qui est vraiment dommage, c’est qu’il s’agit là d’un film qui aurait pu se révéler intéressant, car il introduit des thématiques et des idées techniques assez bien trouvées, si elles avaient été exploitées correctement. Mais Bartlett continue à perdre son spectateur dans les limbes d’un auteurisme un peu trop prétentieux, et au lieu de développer consciencieusement et efficacement chaque idée, quitte à ce qu’il y en ait peu, il préfère faire un film trop riche et trop ambitieux : un film qui contient tout mais qui, au final, devient un film sur rien. Les acteurs, tous mauvais, ne sauvent même pas ça ; on pensera notamment à RJ Mitte, le fils handicapé de Walt dans Breaking Bad, qui a exactement le même rôle que dans la série, et qui réussit prodigieusement à mal le jouer.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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