A Fantastic Fear of Everything


C’est avec A fantastic fear of everything que nous clôturons ce long dossier sur la nouvelle vague de l’horreur britannique, sur une note légère, donc, puisque ce premier film de Crispian Mills joue beaucoup sur les codes de l’épouvante, en employant la vedette du genre : Simon Pegg.

A Fantastic Fear of Everything

Don’t be afraid of the dark

Les amateurs de bon rock british connaissent forcément le nom de Crispian Mills, puisque le bonhomme est le frontman de l’excellent groupe de rock psyché Kula Shaker. Les connaisseurs un peu plus avisés connaîtront également le nom de Chris Hopewell, qui a réalisé de nombreux clips, notamment pour Radiohead, Franz Ferdinand et les Scissor Sisters. En 2011, l’année de sortie de Pilgrim’s Progress (le dernier et, à ce jour, le meilleur album de Kula Shaker), Mills s’attèle à l’écriture d’un film qu’il réalise et autoproduit avec Hopewell, une comédie très riche et mélangeant les genres, mais dans laquelle ils s’emploient surtout à s’amuser des codes du film d’horreur et d’épouvante.

Simon Pegg, que l’on ne présente plus, tient le rôle de Jack, un écrivain névrosé pris par la peur incontrôlable qu’il peut se faire tuer à tout moment. Cloîtré chez lui, dans son appartement sale et bordélique, il travaille sur un script dédié aux tueurs en série de l’époque victorienne, et c’est de là que lui vient cette fantastic fear of everything. Lorsque son agent Clair De Grunwald lui annonce qu’un gros producteur hollywoodien est intéressé par son script mais qu’il devra le rencontrer le soir même, Jack devra mettre un costume propre et, de fait, affronter sa plus grande peur : la laverie.

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Crispian Mills démarre ici avec un premier long métrage très inventif, drôle et bien écrit, qui a tout pour clôturer idéalement un dossier sur la renouveau du cinéma d’horreur britannique qui bascule sans cesse entre comédie et horreur à tendance sociale. Ici, c’est bien sûr le rire qui prévaut surtout à travers la parodie (puisqu’il s’agit d’un film avec Simon Pegg), et il est amené au beau milieu d’un univers assez particulier. Enormément de références au cinéma d’horreur sont présentes, plus ou moins flagrantes : elles vont d’un pastiche de la scène de la douche de Psychose à une relecture du thème musical d’Evil Dead, en passant par le personnage d’un flic nommé Perkins et, bien sûr, le protagoniste, écrivain névrosé et paranoïaque qui a pour nom… Jack. Les cadrages semblent parfois hérités de l’expressionnisme allemand, on retrouve un humour absurde tout droit hérité des Monty Python et, lorsque tous ces éléments sont regroupés ensemble, on arrive à un film-collage bourré de références mais très original, tant le produit fini semble être complètement délirant et psychédélique. Visuellement, c’est très travaillé et recherché, et le film n’en est que meilleur.

Le vrai clou du spectacle, la cerise sur le gâteau, la crème dans le café, c’est Simon Pegg lui-même. On est transportés dans un film qui est très loin d’Edgar Wright et dans lequel il n’y a pas Nick Frost, et on a l’impression que pendant une heure quarante, l’acteur se surpasse à chaque scène : c’est un vrai one-man show, il n’y en a que pour lui, sa peur, sa maladresse, sa névrose, tout est écrit et joué avec une précision, originalité et folie, à tel point que le film n’aurait pas eu la même saveur s’il avait été interprété par un autre acteur. On notera notamment la longue séquence de la laverie qui, si elle avait été réalisée trente-cinq ans plus tôt, n’aurait certainement pas été reniée par John Cleese et sa clique : Jack entre dans la laverie pour laver une pauvre paire de chaussettes, une chemise et un slip, et cet acte plus que trivial se transforme en une introspection totale au plus profond de ses peurs. Chaque mouvement, chaque seconde qui passe est consciencieusement analysée en détail, et il en résulte une scène ahurissante, complètement barge et hilarante. Certains seconds rôles sont aussi mémorables, comme le docteur Friedkin (encore une référence), joué par Paul Freeman (le méchant des Aventuriers de l’arche perdue qu’on retrouvait déjà dans Hot Fuzz), psychanalyste et ami de Jack, qui, durant tout une séquence, théorise sur la phobie de la laverie… alors qu’il est déguisé en pirate ; et le tueur, bien évidemment, dont l’entrée finale est mémorable et que je préfère vous laisser découvrir par vous-même pour ne pas vous gâcher ce qui est certainement le gag le plus drôle du film.

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Je n’oserais tout de même pas omettre la séquence réalisée entièrement en stop-motion par Chris Hopewell : il s’agit d’une mise en images de l’histoire racontée par Jack à la fin du film, celle de deux frères hérissons, l’un des deux devenant un monstre ignoble. Hopewell apporte sa propre touche personnelle au film, et ceux qui connaissent par exemple le clip de There There de Radiohead verront de quoi je parle, mais, insérée dans cet ensemble délirant et psychédélique, elle a quelque chose de très burtonien. Mills et Hopewell ont recours à l’animation à plusieurs reprises plus tôt dans le film, et on y trouvé déjà ce mélange entre un univers enfantin et un autre qui tient plus de l’horreur, cher à Tim Burton.

A fantastic fear of everything est un premier film et, comme tout premier film, contient pas mal de maladresses, comme la romance assez inutile et peu crédible (elle se développe l’espace d’un soir) entre Jack et Sangeet, la jolie hindoue qu’il rencontre à la laverie. Malgré cela, son originalité et sa drôlerie en font un long métrage réussi et très plaisant, porté par un Simon Pegg plus en forme que jamais. Présenté à l’Etrange Festival 2012, le film ne sera probablement pas distribué dans les salles françaises ; reste à espérer qu’il connaîtra, comme beaucoup des œuvres évoquées dans ce dossier, une exploitation vidéo, car il mérite clairement d’être découvert.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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