Back from beyond: the Hammer LIVES!!! 3


Fondée en 1934 par William Hinds et transformée quelques années plus tard par James Carreras pour qu’elle devienne la légendaire société de production que tout le monde connaît aujourd’hui, la Hammer Films fait aujourd’hui partie de l’Histoire. Et comme dans toutes les grandes histoires, il y a un moment de faiblesse qui, pour la Hammer, s’est appelé « les années ‘80 et ‘90 ». Mais, tel le phénix renaissant de ses cendres, le studio s’est relancé dans la production de films à la fin des années 2000, et est bien déterminé aujourd’hui à ne pas lâcher l’affaire.

Renaissance d’un mythe

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© Tous droits réservés / Hammer film

Avec les seventies, le cinéma d’horreur (et plus largement le cinéma de genre) britannique, qui ne se résumait pratiquement qu’à la Hammer, a sérieusement commencé à dégringoler du piédestal sur lequel il était confortablement installé depuis plus de vingt ans, et duquel il scrutait le monde, l’air de dire « niveau horreur, on vous nique tous bien profond ». Bien sûr, les américains avaient Robert Wise et autres Val Lewton, mais ce qui faisait tout le charme de la Hammer et que la RKO n’avait pas, c’était l’exploitation du filon du film gothique qui est devenu très vite le fer de lance du studio avec notamment neuf films mettant en scène le personnage de Dracula, symbole de la Hammer par excellence. Seulement voilà, avec l’émergence de nouveaux courants (le Free Cinema, notamment) et des bouleversements sociopolitiques de plus en plus intenses et conséquents à la fin des années ’60, les mœurs ont changé, et le public aussi. Le gothique a fait son temps, et à l’échelle du cinéma de genre, l’Italie produit de plus en plus de films, presque toujours pensés pour le marché anglo-saxon, nettement différents de ce que fait la Hammer mais qui plaisent aussi. C’est pourquoi on trouve dans le catalogue seventies du studio des films tels que Shatter (Michael Carreras et Monte Hellman, bien que ce dernier n’ait pas été crédité, 1973), une sorte de Shaft blanc, ou Sueur froide dans la nuit (Jimmy Sangster, 1972), un thriller qui rappelle par bien des aspects
le giallo. Le remake d’Une femme disparaît (Anthony Page, 1978) sera le dernier film produit par la Hammer Film Productions, puisqu’il marque la démission, peu de temps avant sa sortie, de Michael Carreras, fils de James qui a repris le flambeau.

Quelques productions télé sans aucun écho essaient de montrer – sans succès – que la Hammer existe toujours, et les années ’90 sont vraiment les plus dures : en 1994, les deux seules productions sont deux documentaires revenant sur l’histoire du studio, comme s’il était définitivement mort. Lorsque Simon Oakes devient en 2007 (l’année des cinquante ans de la Hammer Horror) le président de la maison de production, il met immédiatement en chemin la toute première production originale Hammer depuis 1983 : Beyond The Rave, une web-série coproduite par MySpace et diffusée sur internet en avril 2008. Le résultat n’est pas génial, mais assez plaisant… et sanglant. Et surtout, il prouve qu’il y a tout de suite une volonté de la part d’Oakes de moderniser la compagnie, comme souhaitait le faire Carreras en son temps en anticipant la suprématie de la télé et en créant un programme dédié à la diffusion télévisuelle. S’ajoutent à cela diverses annonces telles que la réalisation des premières productions Hammer pour le cinéma : La locataire et Laisse-moi entrer, remake du film suédois Morse (Tomas Alfredson, 2008).

Si Laisse-moi entrer et La locataire sont considérés comme les premiers films produits après la renaissance de la Hammer, c’est en réalité Wake Wood qui est le tout premier projet à être concrétisé, puisque le film est déjà présenté en Suède en 2009. Tourné en Irlande et en Suède par David Keating, le film raconte l’histoire de Louise et Patrick (Eva Birthistle, qui avait déjà le rôle principal dans The Children, et Aidan Gillen, le Lord Baelish de Game of Thrones), un couple dont la fille a perdu la vie après qu’elle ait été mordue à la gorge par un chien. Un an plus tard, Louise et Patrick déménagent à Wakewood, un village de campagne, et découvrent que les habitants s’adonnent à un rite païen qui peut faire revenir les morts à la vie pendant une durée de trois jours.

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© Tous droits réservés / Hammer film

Le thème central de Wake Wood est la naissance, ou la renaissance. Pour le premier long métrage Hammer depuis 1978, on ne peut s’empêcher de voir là un fait délibéré, à moins qu’il ne s’agisse d’une jolie coïncidence. Avec ce film, on replonge dans l’atmosphère de certaines productions Hammer de la seconde moitié des années 1960, comme L’invasion des morts-vivants (John Gilling, 1966), et c’est surtout là-dedans qu’il puise toute sa force. Quelques effets en CGI sont présents dans Wake Wood et, s’ils ne sont pas très réussis, il faut le dire, font preuve de la modernisation du studio allie donc désormais des effets traditionnels à base de mannequins et de faux sang et quelques touches de numérique.

Le film, sorti en 2011 et globalement bien reçu, n’est en réalité qu’une co-production Hammer, puisque Simon Oakes est uniquement producteur exécutif, mais c’est bel et bien sa société qui distribuera le film. La première vraie production Hammer à arriver sur les écrans est Laisse-moi entrer, réalisé par l’américain Matt Reeves (surtout connu pour Cloverfield) et comprenant dans son casting Chloe Moretz, Kodi Smit-McPhee, Richard Jenkins et Elias Koteas. Reeves, également auteur du scénario, puise autant son inspiration dans le roman original de John Ajvide Lindqvist que dans Morse, et le résultat est encore une fois réussi, malgré son échec en salles. Avec un budget de 20 millions de dollars, il en n’en rapportera que 24 à travers le monde, mais de multiples nominations et prix (notamment aux Saturn Awards, où il est sacré Meilleur film d’horreur de l’année) font beaucoup parler du film, encensé par la critique internationale et par Stephen King, qui écrira qu’il s’agit là du « meilleur film d’horreur américain des vingt dernières années ».

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© Tous droits réservés / Hammer film

La locataire partage deux points communs avec Laisse-moi entrer : d’abord, c’est aussi un film américain produit par la Hammer, et ensuite, il s’agit d’une œuvre n’ayant que peu de liens avec l’esprit du studio britannique. Dans ce film réalisé par Antti Jokinen (il aime bien les nordiques, Simon Oakes, vous l’aurez compris), Hillary Swank est Juliet, un médecin qui emménage dans un nouvel appartement de Brooklyn. Le propriétaire, Max (Jeffrey Dean Morgan), est célibataire mais très vite, il va être obsédé par elle… A la différence de Laisse-moi entrer, La locataire n’est pas un film d’horreur, plutôt un thriller psychologique, mais le film est plutôt raté. La présence de Christopher Lee est la seule touche qui permet de rappeler qu’il s’agit d’un film Hammer, mais au-delà même de cela, le manque d’originalité et la pauvreté de la réalisation en font un produit quelconque, qui ne fonctionne pas.

Après les sorties (très limitées) de La locataire et de Wake Wood en 2011, toute l’attention se porte sur une grande annonce qui a fait mouiller les petites culottes des plus grands fans de la Hammer : leur prochaine production est une adaptation du roman de Susan Hill La dame en noir, et c’est Daniel Radcliffe qui y tiendra le rôle principal. Avouez qu’avec une info pareille, il y avait de quoi se la prendre et se la mordre. C’est James Watkins, le réalisateur d’Eden Lake, qui se colle à la réalisation, le film est distribué partout dans le monde entre février et mai 2012 et c’est un carton plein, rapportant près de 130 millions de dollars à l’échelle mondiale pour 15 millions de budget. La critique, par contre, n’est pas aussi enthousiaste que le public, mais l’accueil reste tout de même globalement positif. Avec ce film, la Hammer renoue enfin avec le film d’épouvante gothique et prouve donc qu’elle est bien disposée à se relancer dans le cinéma qui l’a aidée à forger sa renommée mondiale. En mars 2012, on parlait justement de La Dame en Noir dans un article publié ici, c’est pourquoi je ne m’étalerai guère plus longtemps sur le film.

Il y a un dernier élément qui contribue à la renaissance de la Hammer, et on pourrait appeler ça « faire du neuf avec du vieux » : la sortie, depuis l’année dernière, des grands films du studio en Blu-Ray. The Quatermass Experiment, L’invasion des morts-vivants, Vampire Circus… Le catalogue entier de la Hammer semble être en cours de restauration en vue d’une distribution dans ce format, et le blog de la compagnie (http://blog.hammerfilms.com) donne régulièrement des informations sur les avancements des travaux, car au fil de la restauration des œuvres, il reste toujours des choses à découvrir : preuve en est faite avec la nouvelle version numérisée de Dracula, qui contient une séquence qui n’a été découverte que récemment, car elle ne figurait que dans le montage japonais du film, ayant été jugée trop explicite pour la censure de l’époque. Encore une fois, la renaissance de la Hammer opère à tous les niveaux, et continue à aller de l’avant en produisant et distribuant de nouveaux films tout en gardant un regard très attentif sur son précieux passé puisqu’elle met tout en œuvre pour le préserver avec une attention et une rigueur presque religieuses.

Les deux prochains projets de longs métrages de la Hammer sont The Quiet Ones, réalisé par John Pogue et actuellement en post-production, et la suite de La Dame en Noir, intitulée Angel of Death et qui prend place dans le Londres de la Seconde Guerre Mondiale. Deux nouveaux films d’horreur, donc, qui sont de plus en plus attendus, et il y a de quoi, lorsque l’on voit un intérêt croissant pour ce revival, et une qualité des œuvres, elle aussi croissante, qui l’accompagne. Parallèlement à cela, la Hammer continue de publier des livres et d’éditer ses chefs-d’œuvre en Blu-Ray ; la prochaine sortie est dans quelques jours, le 18 mars, et le studio frappe très fort car il s’agit de Dracula, dans un coffret contenant trois disques (un Blu-Ray et deux DVD) et profitant d’une multitude de bonus tous plus alléchants les uns que les autres. Aujourd’hui c’est sûr, on peut vraiment le clamer haut et fort : THE HAMMER LIVES!!!


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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