Tucker & Dale fightent le mal 1


A l’occasion de sa sortie finalement discrète sur le marché de la vidéo retour sur cette petite comédie d’horreur dont nous avions omis de vous parler à sa sortie en salles. Et pourtant, il s’agit probablement là de l’un des meilleurs films du genre depuis des années!

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Virgin Suicides

Depuis que les sagas Saw et Hostel sont venues étendre leur putride torture-porn sur les écrans du monde, le cinéma gore se résume depuis quelques années à cette cruauté caustique : une torture béante que l’on offre au public et à laquelle on lui demande d’adhérer. Dès lors, le “burlesquo-gore”, comme je l’appelle, a largement perdu du terrain au sein de l’industrie. Rire devant des éviscérations en famille n’est plus vraiment à la fête, le cinéma d’horreur d’aujourd’hui s’est muté en un cinéma pornographe, qui se consomme seul, caché, tels des voyeurs-masturbateurs devant l’immonde torture. Il y a pourtant dans certains films gores comiques, bien davantage de viscères que dans ces torture-porns tant décriés. La scène finale de Braindead (Peter Jackson, 1992) – monument du genre qu’on ne présente plus – conserve encore aujourd’hui son record mythique du plus grand nombre d’hémoglobine utilisé pour le tournage d’une seule scène. Oui mais voilà, chez Peter Jackson, il y avait un ton volontairement outrageant et distancié qui invitait le spectateur à rire des irréalistes giclées de sang à l’écran, comme on le ferait devant les invraisemblances d’un cartoon. Certains défendront probablement ce cinéma gore ultra-réaliste, un cinéma trash, brut, choquant, tandis que d’autres préféreront ces petites sucreries explosives et amères que sont les films burlesquo-gores et dont ce Tucker & Dale fightent le mal réalisé par Eli Craig retrouve toutes les saveurs.

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Le film nous raconte l’histoire de deux inoffensifs rednecks répondant aux doux noms de Tucker et Dale. L’un est un baroudeur un brin bourru, l’autre un énorme ours un peu benêt qui déborde d’humanité et de gentillesse. Mais voilà, alors qu’ils vont se ressourcer en forêt où ils ont fait l’acquisition d’une vieille baraque à retaper, ils rencontrent une bande d’étudiants venus faire la fête dans le coin. Suite à un quiproquo entraînant la mort d’un des jeunes, ces derniers se persuadent que Tucker et Dale sont des serial-killers qui veulent les tuer, alors que nos deux gusses pensent que les jeunes font partie d’une secte et qu’ils sont là pour un suicide collectif!

Le ton est donné, au fil des quiproquos – bien nombreux – on s’amuse de tous les clichés du film d’horreur qui sont détournés ici en une joyeuse débandade d’effets gores et de séquences de comédie à l’écriture efficace. Le groupe d’adolescents nous rappelle la plupart de ces films dans lesquels des jeunes se font étriper par un malade, et le groupe est d’ailleurs constitué d’une ribambelles de ces ados clichés des teen-movies d’horreur des années ’80 à ’90. Le beau gosse ténébreux insupportable, la fille intrépide, le gay, le premier de la classe un peu geek, et bien sûr, l’éternelle blonde en mini-ju

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pe qui ne jure que par son portable et ses talons-aiguilles. Par quelques clins-d’œil bien sentis et jamais trop surlignés, le réalisateur assène son récit de références aux grands classiques du cinéma de genre. L’idée la plus brillante et drôlatique est surement celle où il ré-invente la figure traumatisante de Leatherface, fonçant comme un dératé pour commettre son Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974) en le remplaçant par l’un de nos rednecks, qui fuit, se faisant attaquer par un essaim d’abeilles qu’il vient tout juste de tronçonner. S’amusant des clichés et images fortes de l’histoire du cinéma d’horreur, le film lorgne bien sûr vers la parodie mais parvient à saisir une certaine grâce en roulant corps-et-âmes avec son “concept” qui mènera à l’inversion totale des rôles.

Car que semble vouloir dire le film sinon nous questionner sur “qui sont les vrais méchants”? Tucker & Dale fightent le mal réussit son tour de force dès lors que son récit fait des jeunes adolescents – proie favorite des slashers – les réels prédateurs. Et justement, ces gamins sont exactement les rejetons du torture-porn dont ils s’abreuvent. Eli Craig réalise au final bien plus qu’un petit film d’horreur à l’humour léger, son film dévoile au final un message bien plus large: s’il s’agit là de la réhabilitation d’une manière de rire du gore quasiment révolue, il y a là surtout, une insolente moquerie du cinéma d’horreur qui l’a malheureusement progressivement remplacé. Un pied-de-nez bienvenu, en un mot: salvateur.



A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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