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Depuis le diptyque Boulevard de la Mort / Planète Terreur initié par la paire Tarantino / Rodriguez en hommage au cinéma d’exploitation des années 60 et 70, la mode des films estampillés “grindhouse” a inondé le marché du direct-to-video américain. Si Robert Rodriguez a lui même continué à exploiter le filon – la sortie de Machete en 2010 avant sa suite Machete Kills prévue pour 2013 – des tonnes de films ont suivis le mouvement, du très décevant Hobo with a shotgun en passant par Zombie Strippers dont nous vous avions déjà parlé. Mis en scène par des réalisateurs qui n’ont pas un dixième de la personnalité des deux potes du Texas, les films qui en résultent sont bien souvent des pastiches à peine avoués d’un cinéma fauché et irrévérencieux qui déjà, pourtant, ne se prenait pas au sérieux.

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Bitch Flop

Rick Jacobson qui a pondu ce Bitch Slap n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il avait réalisé d’autres très mauvais films, dont un Bébé né pour tuer, très bien placé au panthéon des nanars, dont nous vous avions déjà parlé lors d’un précédent article. Mais surtout, il est l’un des réalisateurs de séries télévisées les plus surexploités outre-atlantique. Il a notamment mis en scène plusieurs épisodes des séries Spartacus: Blood and Sand et Spartacus: Gods of the Arena , mais aussi d’autres comme Alerte à Malibu, Hercule ou Xena La Guerrière. Autant dire que les décolletés siliconés, ça le connait, de même que les scènes de baston avec des donzelles effrayantes de virilité. Il est donc finalement logique de le voir faire ce ”film de nanas qui en ont”.

Mais voilà, à défaut d’être un vrai film de gonzesses comme l’avait fait Tarantino en rendant hommage au passage à Faster Pussycat! Kill! Kill! (Russ Meyer, 1965), Jacobson fait des trois héroïnes de Bitch Slap des camionneuses siliconées, des créatures hybrides qui ne pensent qu’au cul, se battent et crachent comme des mecs, qui sont de fait lesbiennes, et emploient un vocabulaire aussi grossier que celui que l’on peut entendre dans la tribune ultra du Paris Saint-Germain. On est bien loin de l’esprit féministe d’un Tarantino, il s’agit ici plutôt d’un retour violent au cinéma d’exploitation machiste, aux détours de scènes aux clichés impérissables, dignes du plus mauvais de la sexploitation: des batailles à coup de seau d’eau totalement gratuites – enfin, ça sert quand même à mouiller le décolleté des demoiselles, et d’en décrypter les moindres détails par des gros plans au ralenti – au scènes de sexe lesbiens n’ayant jamais un seul éclair sensuel. En soit, cela fait beaucoup penser à l’image de la femme véhiculée par le catch américain, et à ce titre, le film n’est pas loin du pire des scénarios de la WWE.

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Ce scénario, parlons en donc. C’est l’histoire de trois filles à forte poitrine, habillées très court donc, qui traversent un désert isolé – tout s’explique – pour aller voler des diamants au parrain d’une pègre minable. Chacune des trois donzelles a ses raisons pour voler le magot, et aucune n’est évidemment celle qu’elle prétend être… Et pourtant! Elles sont chacune des ramassis de clichés. L’une, Camerro – interprétée par la plantureuse et sauvage America Olivo déjà vue dans le remake de Vendredi 13 (Marcus Nispel, 2009) et bientôt dans le remake de Maniac (Franck Khalfoun, 2012) – est une sorte de Xena La Guerrière ultra vulgaire, qui balance des coups de tatanes avec une telle facilité qu’elle mettrait Steven Seagal au tapis d’un seul uppercut. La seconde (Erin Cummings) se nomme Hel – ça ne vous rappelle rien? – et est une sorte de femme fatale salope, une Bree Van Der Kamp version lesbienne testiculée. La dernière – interprétée par Julia Voth – est l’éternelle petite pouffe en talons aiguilles dans le sable, qui pleure dès qu’un coup de poing se donne… donc qui pleure souvent, mais qui n’est peut être pas aussi coconne qu’elle ne le prétend.

Le scénario du film s’embourbe donc à vouloir tisser des liens entre les histoires de ces trois filles suintant la testostérone, et noue ces liens par des flashbacks systématiques et usants, des allers retours qui couvrent plus de la moitié du film. Preuve d’un manque cruel d’écriture et d’idées novatrices, ces flashbacks viennent au moment ou le récit n’a plus rien à dire, et permettent de revenir au présent avec une consistance scénaristique à peine grossie, qui laisse l’action s’embourber d’avantage… jusqu’au prochain flashback. Si ces retours au passé tentent de rendre consistants les rapports tendus – au présent – entre ces trois filles, ils sont surtout prétexte à gonfler un scénario fébrile par quelques péripéties à peine plus bienheureuses. Et à multiplier les références et recyclages maladroits, navigant entre les genres, du film de femmes en cage au film de nonnes en petites culottes. Du recyclage, il y en a, autant que chez Tarantino et Rodriguez, sauf que chez ces deux derniers, tout cela est bien emballé, bien décoré. Ici, difficile de ne pas penser à Kill Bill – puisque le réalisateur fait d’une de ses méchantes, un ersatz de Gogo Yubari, avec une arme similaire, sans oublier le comparse de cette petite chinoise, sorte de dément cyberpunk tout droit sorti de Mad Max.

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Esthétiquement, le film n’a pas le charme des films d’exploitation de l’époque, totalement artisanaux car fauchés. Bitch Slap démontre plutôt à lui seul comment le cinéma fauché d’aujourd’hui suremploie les effets spéciaux avec une maladresse nauséabonde. Les incrustations sur fond bleu étant d’un kitch à mourir de rire, ils rendent l’ensemble indigeste visuellement. Les seules satisfactions que l’on retiendra de Bitch Slap, ce sont ses magnifiques chorégraphies orchestrées par (tiens donc) Zoë Bell, la cascadeuse phare d’Hollywood qui jouait son propre rôle dans Boulevard de la Mort, ainsi que les petits caméos de toute la joyeuse bande de Hercule et Xena! (Kevin Sorbo – aka Hercule! – Lucy Lawless – aka Xena! – Renée O’Connor – Gabrielle! – et sans oublier Michael Hurst – l’intrépide Ionas!) qu’il est toujours bon de retrouver, même si ce n’est que pour dire trois mots en hologrammes, ou jouer des bonnes sœurs.

On ne peut pas reprocher au réalisateur de ne pas faire œuvre de second degré, le cheap est assumé, mais son exercice de style n’atteint jamais le film bad-ass que le synopsis promet. Si le film commence à s’énerver dès la fin de sa première heure, il ne parvient jamais à emballer complètement faute à un scénario sans inventivité, aux rebondissements qui quand ils ne sont pas téléphonés d’avance, sont si nébuleux qu’ils semblent avoir été improvisés. C’est d’ailleurs le sentiment que donne le film dans son entier, cette désagréable sensation que le scénario a été écrit de scène en scène, sans cadre, en constante roue libre sur l’autoroute de la médiocrité.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY


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