La Dame en Noir 2


La Hammer, qu’on a cru cinématographiquement morte pendant trente ans, revient petit à petit depuis deux ans, d’abord en coproduisant Laisse-moi entrer, le remake de Morse, puis deux autres films n’ayant guère de succès, Le Locataire et Wake Wood. C’est maintenant à La Dame en Noir de témoigner du retour des légendaires studios britanniques, car c’est le premier film, depuis 1979, à être une vraie production estampillée Hammer. Une histoire de fantômes dans laquelle se retrouvent embarqués Daniel Radcliffe et Ciáran Hinds, mais où le sortilège d’endoloris ne peut rien contre eux…

Si j’avais un Hammer…

Si, en 2002, on m’avait dit: “Dans dix ans, tu pourras aller voir un film de la Hammer au cinéma”, j’aurais certainement ri au nez de celui qui m’aurait dit ça. Je lui aurais même craché dessus, parce qu’en 2002, j’étais encore un petit con à peine entré au collège qui s’intéressait vraiment au cinéma bis que depuis quelques mois, et je pensais tout connaître parce que j’étais capable de citer tous les titres des films de Fulci sans en avoir réellement vu plus de deux. En plus, ça ne m’a jamais vraiment aidé à serrer des nanas. De toute façon, les rares filles qui étaient jolies et qui n’avaient pas d’appareil dentaire sortaient avec les cailleras qui n’étaient bons qu’en sport, comme dans les films américains. Tout cela n’a aucun rapport avec le film dont je suis censé vous parler, mais ça vous permet de situer quel genre d’abruti j’étais à mon entrée au collège, mais mesdemoiselles, rassurez-vous, ça a bien changé depuis. Bref. Si en plus on avait ajouté: “Dans le film, y’a Harry Potter qui tient le rôle principal”, j’aurais vomi dans la seconde, sans me soucier de quelle paire de chaussures j’ai baptisé avec ma galette pleine de morceaux de lasagnes pas complètement digérés. Sauf que voilà, dix ans plus tard, la connerie en moins et les cheveux longs en plus, je me retrouve dans une salle de cinéma, à voir La Dame en Noir, un film de la Hammer avec Harry Potter. Si le moi de 2002 rencontrait le moi de 2012, il lui aurait lancé un expelliarmus bien mérité.

Trêve de conneries, passons directement dans le vif du sujet. C’est assez jouissif de se retrouver dans une salle de ciné et de voir, devant tes yeux, le logo de la Hammer prendre toute la taille de l’écran. Surtout quand, pendant le quart d’heure précédent, tu t’es tapé la bande-annonce de Battleshit (non, ce n’est pas une faute de frappe) et les pubs MAIF, McDo “Barbra Streisand” et SFR “What’s the zizi?”. Ce qui est moins cool, c’est quand la pubère derrière toi dit “Ah, c’est un film Marvel?”. Les premières minutes du film installent une atmosphère assez prenante et posent les bases de l’intrigue. Arthur Kipps, un jeune clerc de notaire londonien, est envoyé par son cabinet dans un village reculé d’Angleterre, afin de s’occuper pendant quelques jours de la paperasse concernant le patrimoine d’Alice Drablow, une femme décédée ayant possédé un manoir dans ce fameux village. Là, Kipps va faire la connaissance de Sam Daily, qui sera son seul ami dans un endroit inconnu, peuplé d’habitants peu accueillants. Dans le manoir, Kipps entend des bruits de pas à l’étage et aperçoit une mystérieuse femme en noir, qui serait apparemment un fantôme lié aux nombreuses morts d’enfants dans le village…

Adapté d’un roman de Susan Hill publié en 1983 qui a déjà été décliné en une pièce de théâtre et en un téléfilm, La Dame en Noir version Hammer est donc la première adaptation cinématographique du roman, scénarisée par Jane Goldman, la jolie MILF rousse aux seins énormes qui a collaboré aux derniers films de Matthew Vaughn, et réalisée par James Watkins, le sosie british de Michael Stipe qui était déjà aux commandes du plutôt cool Eden Lake (2008). C’est donc le second film de Watkins, et le choix du réalisateur étonne un tantinet, parce que quand on essaie de relancer la Hammer avec une histoire de fantômes aux accents gothiques, on prend n’importe qui sauf le scénariste de The Descent 2! La vision de l’horreur moderne chez Watkins est assez éloignée de l’idée qu’on se fait d’un film de la Hammer, même en 2012. Et pourtant, ça colle plutôt bien. On est transportés dans l’Angleterre de l’époque Edwardienne, dont les décors rappellent Le Chien des Baskerville ou Paranoiac, deux des plus grands films des studios britanniques. Les décors et les costumes, en fait, suffisent presque eux-mêmes à confirmer que la Hammer est bien vivante et est capable de nous offrir un spectacle visuel comme au bon vieux temps. C’est même assez drôle de se dire qu’un chef-op’ comme Tim Maurice Jones, qui a officié sur les meilleurs Guy Ritchie (donc pas sur Sherlock Holmes, par exemple) et sur l’un des plus beaux films des années 2000, White Lightnin’, abandonne son savoir-faire plutôt original et à a limite du barré pour revenir aux sources. La photo de La Dame en Noir, c’est du Freddie Francis sans toutes les subtilités du maître, ce qui n’empêche pas d’apprécier le spectacle.

Malheureusement, toutes ces caractéristiques qui permettent de faire de La Dame en Noir un beau film ne permettent pas forcément d’en faire un bon film. D’horreur, qui plus est. Il est vrai que le roman de Susan Hill collait parfaitement à l’esprit Hammer et à son esthétique, mais en 2012, on aimerait bien que le cinéma d’horreur passe à autre chose que le schéma: mec seul dans une pièce -> zéro bruit -> truc inquiétant qui va surgir -> musique flippante -> la pisseuse assise derrière toi qui dit à ses copines un peu coconnes: “Ouah comment j’ai trop flippé sa race!”. Surtout quand ce schéma est reproduit plusieurs fois en 90 minutes. Les éléments inquiétants, comme les poupées flippantes en céramique, les apparitions de la dame en noir, les bruits de pas, suffisaient largement, mais là, le tandem Goldman/Watkins en fait un peu trop… Dommage, car la force visuelle du film aurait presque réussi à faire oublier le scénario, si celui-ci n’avait pas été aussi pauvre et s’il ne donnait pas l’impression d’avoir déjà été vu cinquante fois.

Pour ce qui est de Daniel Radcliffe et de son premier rôle post-HP, on a vu plus convaincant. La vérité est qu’il n’est pas mauvais en Arthur Kipps, mais il faut se rendre à l’évidence: pendant dix ans, il a été le gamin balafré qu’on voulait voir affronter Voldemort, on a grandi avec lui, on a été dépucelés en même temps (quoique…), on a évidemment du mal à le voir ADULTE, MARIE, AVEC UN GOSSE! Et même en faisant abstraction de ça, il y a quelque chose qui ne colle pas. Puis au final, on oublie assez vite tout ça, pour se concentrer sur les faiblesses du scénario. Jusqu’à la scène de clôture, absolument inutile, et elle aussi, ressassée un million de fois.

Avec La Dame en Noir, le retour de la Hammer est sur la bonne voie. Malgré une intrigue cousue de fil blanc et qui s’essouffle très rapidement, on reste étonné de la qualité du film, qui a fait et continue de faire de très bonnes recettes. Une semi-réussite, qui laisse à espérer que le prochain Hammer sera au d’une qualité au moins égale, mais qu’on espère quand même voir surpassée.


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.


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