The Host 9


Le cinéma de Corée du Sud pèse de plus en plus de par son poids et son vivier de talent sur la sphère cinématographique mondiale. Park Chan-wook et sa trilogie de la vengeance en est un des principale représentant, Kim Ki-Duk en est un autre, mais il ne faut pas négliger le cinéaste Bong Joon-Ho qui en 2006 signe avec The Host un brillant film de monstre socio-politique. Analyse d’un chef d’œuvre.

The Host Gwoemul 2006 Real : Joon-ho Bong Ah-sung Ko COLLECTION CHRISTOPHEL

Socio-politique du Monstre

Réalisateur adulé dans son pays, Bong Joon-Ho est connu surtout pour deux de ses films, le premier Memories of Murder, était déjà un pamphlet sur la société sud-coréenne sous fond de portrait de serial killer, et le second, The Host, que je chronique ici, est considéré encore aujourd’hui comme le plus gros succès du cinéma sud-coréen, dans son pays comme à l’étranger. Comme JSA : Joint Security Area avant lui, réalisé par son confrère Park Chan-wook, The Host avait réussi le tour de force de mettre le peuple Coréen devant des questions politiques tout en ne négligeant pas l’aspect spectaculaire du film de monstre.

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L’histoire démarre de nos jours, on découvre que des scientifiques américains ayant leur base en Corée du Sud déversent des produits toxiques dans la rivière Han qui traverse Séoul. Ces rejets ont créé un monstre, qui attaque la foule sur les berges du fleuve à Séoul. Dont une famille d’origine modeste, qui tient un snack juste là. Le père, Park, va perdre sa fille Hyun-Seo, kidnappé par le monstre. Lui et sa famille, persuadés que celle ci est encore vivante, vont se mettre en quête de la retrouver, et de la libérer des griffes du monstre qui s’abriterait dans les égouts de la ville.

Pour comprendre plus précisément la dimension politique de The Host rappelons qu’environ 30 000 soldats US sont stationnés en Corée du Sud depuis la fin de la guerre de Corée. Et que l’armée américaine détient un droit de régence de l’armée Sud-Coréenne en cas de conflit avec le Nord. D’emblée, The Host se positionne comme un pamphlet socio-politique, à travers ce monstre créé par les produits toxiques déversés dans la rivière, Bong Joon-Ho fait référence à un épisode politique qui avait défrayé la chronique quelques années auparavant, alors que des bases militaires et scientifiques américaines avaient été accusés de déverser des rejets polluants dans la rivière Han. Bien que le réalisateur définit clairement que son film n’est pas un “film anti-américain” cette polémique écologiste est l’un des ciments même de l’histoire de The Host et du message qu’il souhaite faire passer. Le film s’intéresse aussi à critiquer la manière dont les États-Unis détiennent le pouvoir sur la politique du pays, et le réalisateur tente de montrer au combien la Corée du Sud est prisonnière de cet accord de régence avec les États-Unis d’Amérique. A ce même titre, le film a été largement salué en Corée du Nord, parce qu’il critiquait la présence américaine en Corée du Sud. De plus, la seconde intrigue autour du virus qu’un contact avec la bête propagerait, et “l’agent-jaune” que les américains diffusent partout – un puissant défoliant capable de tuer toutes les bactéries et substances vivantes – fait lui aussi référence à un épisode de l’histoire de la Guerre de Corée, durant laquelle les États-Unis ont utilisés l’Agent Orange, un défoliant qui détruit la végétation, pour combattre dans un terrain vierge qui les avantageaient. Aujourd’hui, les associations écologistes et les organismes de santé, dévoilent les effets secondaires de ces produits sur les populations et sur la nature.

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En réalité, en faisant de The Host un thriller socio-politique, Bong Joon-Ho ne fait que réutiliser beaucoup de codes déjà présents dans le film de monstre. King Kong le premier avait déjà une certaine dimension politique, qu’importe les versions, et plus encore Godzilla, qui a lui même au Japon une dimension politique claire puisqu’il est le symbole de l’anti-nucléaire, enfant de la bombe atomique. C’est d’ailleurs très souvent à cause de la pollution, de la science ou bien de la guerre, que ces monstres géants du cinéma se déchainent. Il s’agit presque toujours de la nature vengeresse, une nature modifiée par l’homme qui se retourne contre lui. La créature de The Host – conçue par Weta Digital, la firme derrière les effets spéciaux du Seigneur des Anneaux et d’Avatar – n’est pas clairement identifiable, elle ne ressemble à rien de connu, elle n’est qu’une étrangeté créé par la chimie, une atrophie de la nature modifiée par l’homme. Chacune de ses apparitions dévoilent une autre de ses caractéristiques, laissant l’impression aux spectateurs de voir à chaque scène, un autre monstre, ayant muté d’avantage.

Parfois d’humour acide et noire, proche en cela des mangas dont il copie parfois quelques codes, The Host brille par la qualité de sa réalisation et la faculté de son auteur à entremêler les genres, un peu comme Paul Verhoeven l’avait fait avant lui avec son brûlot Starship Troopers. Car The Host n’est pas seulement qu’un film politique : il est aussi une comédie cinglante, un drame familial, un thriller, en fait, un peu tout à la fois, c’est vrai, mais aussi et surtout, l’un des films de monstre les plus brillants de ces dernières années.


A propos de Joris Laquittant

Sorti diplômé du département Montage de la Fémis en 2017, Joris monte et réalise des films en parallèle de son activité de Rédacteur en Chef tyrannique sur Fais pas Genre (ou inversement). A noter aussi qu'il est éleveur d'un Mogwaï depuis 2021 et qu'il a été témoin du Rayon Bleu. Ses spécialités sont le cinéma de genre populaire des années 80/90 et tout spécialement la filmographie de Joe Dante, le cinéma de genre français et les films de monstres. Retrouvez la liste de ses articles sur letterboxd : https://boxd.it/sJxKY