Animal Love


C’est devant Animal Love, que j’ai découvert le travail d’Ulrich Seidl. A vrai dire, je me demandais bien ce qu’un documentaire sur les rapports entre les hommes d’une part et les animaux d’autre part pouvait bien faire dans la case Trash d’Arte, aux côtés des déboires érotico-violemment gays de Bruce La Bruce ou des délires nanardesques d’Ed Wood. L’article qui suit ne sera pas vraiment une critique, ni une analyse, mais plutôt une réflexion sur les thèmes abordés par le réalisateur du film.

DU CHIEN

Animal Love est un bon documentaire, dans lequel on suit le quotidien d’une poignée d’Autrichiens (aussi bien des SDF que de vieilles bourgeoises), et le film se veut l’étude de comment les animaux peuvent remplacer l’amour d’un autre humain. Comme je l’ai dit précédemment, ce film n’est pas “trash” à proprement parler, il n’y aura donc pas de séquences zoophiles (j’avoue que j’en attendais une moi aussi).

Le film d’Ulrich Seidl vaut surtout pour son portrait de la société autrichienne de la fin du vingtième siècle. Animal Love, c’est plusieurs histoires. C’est l’histoire de ce SDF, qui, s’il n’avait pas son chien après de lui, ne serait sûrement plus de ce monde. C’est l’histoire de cette vieille bourgeoise veuve qui a su remplacer son défunt nazi par un animal. Ces deux exemples suffisent pour montrer que, quelle que soit la classe sociale, l’animal arrive, chez certains humains, à remédier aux carences affectives qui peuvent surgir. Ici, le statut d’animal “de compagnie” cède la place à un nouveau statut bien plus important, celui de réel conjoint.

La situation du SDF est évocatrice du sujet central du film. Son statut suffit à évoquer quel type de personne il est : seul, sans attache. Le fait que ce soit un chien qui partage littéralement sa vie en devient presque dégradant : cela voudrait dire qu’il est rejeté par la race humaine. Et on le voit tout au long du film, par exemple lorsqu’il se fait virer d’une gare par un agent de sécurité, comme on interdisait l’accès aux transports aux Noirs américains il y a une cinquantaine d’années, voire même l’entrée des boutiques aux Juifs sous le Troisième Reich, sous prétexte qu’il est interdit de mendier. Victime de racisme social, il a donc comme compagnon ce chien, qui occupe une place importante dans son existence.

A l’inverse, c’est plus par extravagance que la vieille bourgeoise viennoise voue un amour sans fin à ses animaux. C’est un exemple bien connu, il n’y a qu’à regarder les pages des magazines (pardon, des torchons) people pour le voir : Paris Hilton, Mickey Rourke, Nicole Ritchie, Brigitte Bardot (non, là je déconne), tous ont un chien comme animal de compagnie. En s’affichant avec leurs animaux, ces derniers prennent de l’importance, voire même accèdent à la notoriété (le chien de Paris Hilton n’est-il pas aussi connu que sa maîtresse ?). Comme pour cette femme dans le film de Seidl, le chien semble être un alter-ego de l’humain. Il suffit de regarder la scène surréaliste (mais vraie) de l’incinération du chien pour s’en rendre compte.

Pour faire court (parce que c’est pas tout ça, mais je dois encore nourrir mon kangourou, ma baleine blanche et mes bulots), Animal Love est un grand documentaire qui peut se voir sous plusieurs angles ; j’ai choisi la lecture politique du film, qui n’est pas la plus importante ni la plus judicieuse, mais la plus apte à faire réfléchir. C’est bien gentil de voir Morgan Spurlock se gaver de Mc Do ou Michael Moore devenir de moins en moins drôle au fur et à mesure de ses films, mais il ne faut pas oublier que d’autres cinéastes non-américains (oui, ça existe) peuvent faire des documentaires de qualité, et Ulrich Seidl, sans faire de l’ultra-trash type Mondo Cane, signe un film dérangeant, mais aussi profond et riche.

Valentin Maniglia


A propos de Valentin Maniglia

Amoureux du bis qui tâche, du gore qui fâche, de James Bond et des comédies musicales et romantiques. Parle 8 langues mortes. A bu le sang du Christ dans la Coupe de Feu. Idoles : Nicolas Cage, Jason Statham et Michel Delpech. Ennemis jurés : Luc Besson, Christophe Honoré et Sofia Coppola.

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